MAP-IO : un observatoire marin et atmosphérique embarqué sur le Marion Dufresne

SUCCESS STORY ODATIS
© Léa Gest

Du 11 janvier au 8 mars dernier, l’expédition océanographique SWINGS parcourait le sud-ouest de l’Océan Indien. 48 scientifiques étaient à bord du navire Marion Dufresne II pour explorer la contribution de l’océan Austral à la régulation du climat. Les services des pôles de données ODATIS et AERIS, membres de Data Terra étaient impliqués dans quelques-unes des études de la campagne et dans l’observatoire en devenir MAP-IO.

Explorer l’océan Austral avec la mission SWINGS

Mieux comprendre la séquestration du CO2 atmosphérique dans l’océan, en particulier la manière dont des éléments chimiques essentiels à ce stockage sont apportés, transportés et transformés dans les océans : voici l’objectif de l’expédition océanographique SWINGS.

L’océan Austral, qui entoure le continent antarctique est une région lointaine, difficile à explorer. Il joue un rôle important bien que complexe dans le captage et le stockage du CO2 atmosphérique. De nombreux facteurs sont à prendre en compte, de l’activité biologique à la circulation océanique. Pour appréhender ces processus, il est nécessaire de les quantifier via des mesures d’éléments «géochimiques» (silice, nitrate, fer, mais aussi par exemple radium et terres rares), présents en concentrations infimes dans l’eau de mer.

La mission SWINGS est une contribution française au programme international GEOTRACES qui compile depuis 2010 les données des éléments traces géochimiques pour construire un atlas chimique des océans. Le centre d’assemblage français de ce programme GEOTRACES est d’ailleurs la base de données biogéochimiques LEFE-CYBER, intégrée au centre de données in situ CDS-IS-IMEV du pôle ODATIS.

Outre les scientifiques du projet SWINGS, d’autres équipes de services d’observations étaient présentes comme l’équipe du projet MAP-IO.

Étudier les changements globaux avec le programme MAP-IO

MAP-IO (Marion Dufresne Atmospheric Program – Indian Ocean) est un observatoire en développement dont l’objectif est d’étudier sur le long-terme les processus océan-atmosphère pour mieux comprendre leurs impacts sur le climat et la prévision numérique météorologique. Ce programme a permis d’équiper le navire Marion Dufresne II de 19 systèmes de mesure semi-autonomes dédiés à l’observation de l’atmosphère et de la biologie marine. MAP-IO vise ensuite la bancarisation des observations récoltées au sein des pôles de données selon les standards de qualité définis par les infrastructures de recherche.

Le Marion Dufresne effectue la logistique des îles subantarctiques françaises environ 120 jours par an afin d’acheminer des hommes (relèves de personnels), des vivres, du matériel, du carburant vers des territoires éloignés comme les îles Kerguelen, l’archipel Crozet, l’île Amsterdam et occasionnellement les îles Éparses. C’est donc à la fois un paquebot de transport et un navire de recherche scientifique équipé de 650m2 de laboratoire. Profiter de ces rotations vers les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) et des campagnes en mer prévues par la Flotte Océanographique Française (FOF), permet à MAP-IO d’explorer dans la durée des domaines scientifiques peu documentés dans une zone géographique encore peu explorée. La répétitivité des routes pendant les rotations des TAAF permettra l’étude des tendances saisonnières et climatiques.

Ces observations interannuelles répondent à cinq objectifs multidisciplinaires :

  • Documenter l’état de surface océanique et la composition biologique en phytoplancton,
  • Surveiller les changements atmosphériques globaux en particulier dans les océans Indien et Austral très faiblement documentés,
  • Étudier les transports de masses d’air, la redistribution des aérosols et des composés chimiques dans la troposphère et la stratosphère,
  • Documenter les émissions de gaz et d’aérosols marins pour les modèles atmosphériques de prévision numérique ou de climat,
  • Bancariser les données en open data,
  • Renforcer les réseaux d’observation du changement climatique régional déployés dans le cadre des programmes ReNovRisk Cyclones et Changement Climatique (INTERREG-V), IOGA4MET (TAAF, AAP Îles Éparses) et UV-indien (INTERREG-V)

MAP-IO est coordonné par le LACy et l’Université de La Réunion, il regroupe un consortium de 8 laboratoires de recherche et 21 scientifiques. Il est financé par le FEDER (Fond Européen de Développement Régional), un CPER (Contrat de plan Etat-Région), la FOF et l’INSU (Institut National des Sciences de l’Univers) du CNRS.

Le programme actuel est prévu pour une durée de 4 ans, il a débuté en septembre 2020 et la mise opérationnelle a été réalisée lors du lancement de la mission Swings le 11 janvier 2021. Deux à trois ans sont encore nécessaire pour développer et pérenniser l’observatoire. Il doit respecter un protocole qualité dédié et faire labelliser tous les instruments. A la fin de cette période, si MAP-IO est labellisé par le CNRS/INSU, il pourra devenir un observatoire mobile pérenne unique au monde.

Exemple de données récoltées par MAP-IO pendant la mission SWINGS :

Comparaison de la colonne d’ozone mesurée par le spectromètre Mini-SAOZ (MS_MD) à bord et l’instrument satellitaire TROPOMI. Les observations du Mini-SAOZ sur une plateforme mobile comme le Marion Dufresne permettent d’une part de faire le lien entre les stations au sol de Kerguelen et de La Réunion équipées d’instruments similaires labellisés NDACC et d’autre part de valider les différentes mesures satellitaires dans l’océan Indien. Les premiers résultats montrent un très bon accord entre les observations du MS_MD et TROPOMI avec un biais inférieur à 1% et un coefficient de corrélation de 0,93 pendant la campagne SWINGS © Andrea Pazmino (LATMOS)

AERIS et ODATIS s’impliquent dans une logique de bancarisation des données

En matière de diffusion de données, MAP-IO prévoit d’alimenter les grands réseaux d’observations rattachés aux infrastructures de recherche ACTRIS, ICOS et OHIS via les services nationaux d’observation de l’INSU (CLAP, PHOTON, NDACC, RAMCES, COOL/OISO) et les pôles de données AERIS et ODATIS. Toutes les données seront déposées en Open Data et stockées sur GeoSUR de l’OSU à La Réunion.

Les pôles de données AERIS et ODATIS, membres de l’IR Data Terra soutiennent ces nouvelles observations et seront parties prenantes du projet notamment pour la bancarisation des données atmosphériques (AERIS) et océanographiques (ODATIS).

Pour le moment le modèle de distribution des données n’est pas encore standardisé, il est en construction. Le référencement dans les catalogues des pôles va se mettre en place.

Le Consortium d’Expertise Scientifique (CES) « Cytométrie en flux » du pôle ODATIS est également impliqué via l’installation d’un cytomètre en flux à bord du Marion Dufresne II. La cytométrie en flux permet de classer les micro-organismes du phytoplancton en différents groupes fonctionnels, définis chacun par des cellules aux propriétés optiques similaires, et d’en déterminer les abondances. L’objectif de ce CES est de fédérer une communauté scientifique pour bancariser, partager et diffuser toutes ces données de cytométrie en flux environnementales selon les principes FAIR.

Le Cytosense prélève un échantillon d’eau de mer issu du pompage en continu de surface. Cet instrument analyse les cellules du phytoplancton une à une dans toute sa gamme de taille. Des images collectées assistent la reconnaissance taxonomique du microphytoplancton et du gros nanophytoplancton. Les cytogrammes (en bas à gauche et à droite) permettent de quantifier les abondances des plus petites aux plus grosses cellules (Synechococcus, Picoeucaryotes, Nanoeucaryotes et microphytoplancton sont illustrés). Ces deux cytogrammes collectés pendant la missions Swings illustrent la diversité optique des groupes rencontrés (fluorescence rouge (proxy de la chlorophylle a) vs la diffusion (proxy de la taille) © Melilotus Thyssen (MIO)

Plus d’informations

➡️ Sur le site du programme MAP-IO

➡️ Sur le site GEOTRACES: Journal de bord de la campagne SWINGS

➡️ Sur le site du LACy: Mesures sur le navire Marion Dufresne – MAP-IO